RSE et développement durable, pourquoi cet intérêt croissant dans le domaine du marketing ?
La Responsabilité Sociale des Entreprises ou RSE est, depuis déjà plusieurs années, une nécessité au bon fonctionnement des entreprises. Les organisations ne peuvent plus uniquement rendre des comptes à leurs actionnaires comme c’était le cas jusque dans les années 90 : elles sont également responsables auprès de leur partenaires, leur collaborateurs.trices, leurs employé.e.s… bref de toutes les parties prenantes de l’entreprise (ou du moins sur le papier) !
Ce caractère essentiel de la RSE se concrétise notamment par l’apparition de nouveaux postes intitulés “Directeur.trice de l’engagement” ou “Responsable RSE”, ou encore la mise en place de départements 100% consacrés aux questions RSE au sein des entreprises.
Les préoccupations sociales, écologiques et éthiques semblent s’inscrire lentement mais sûrement dans le fonctionnement interne des organisations, et le domaine du marketing dans sa globalité, et ainsi de la communication et de la publicité, n’y échappe pas.
En effet, le marketing a fort à gagner à s’engager dans une démarche RSE.
Comme l’explique la compagnie de sneakers VEJA, 70% du prix des sneakers de grandes marques sert à couvrir les coûts de communication et de publicité ; seul les 30% restant correspondent réellement aux coûts de production (design, matières premières, fabrication, ect.) et à la réalisation de bénéfices.
Si ce ratio est particulièrement élevé pour le cas précis des sneakers, on imagine qu’il reste important pour les produits de grande consommation. Faire consommer la population a donc visiblement un coût non négligeable...
Et si la RSE pouvait aider à cela ? Valérie Henaff de chez Publicis, le troisième plus grand groupe de communication au monde, rappelle que ne pas avoir de démarche RSE revient en quelque sorte à saborder l’activité économique d’une entreprise.
Son argument est sans faille : les consommateurs, soucieux des enjeux contemporains en matière de développement durable et d’éthique sociale, attendent une implication de la part des entreprises.
S’engager dans une démarche RSE permet donc de valoriser l’image d’une entreprise face à celle des concurrents, ce qui permet à terme de “vendre mieux”, et ainsi de booster les bénéfices.
Pas étonnant que les départements marketing, publicité et communication s’engagent et investissent autant dans leur démarche RSE quand on sait qu’elle permet de mieux rentabiliser les campagnes de pub !
Meilleur engagement RSE = meilleure image de marque investie par le marketing = meilleure implication des consommateurs = meilleures ventes = meilleur chiffre d’affaires.
A quel moment commence-t-on à parler de greenwashing : qu’est-ce-que c’est concrètement ?
Alors à quel moment le greenwashing entre-t-il en jeu ? Et qu’est ce que le greenwashing tout d’abord, ou “écoblanchiment” selon sa francisation?
Pour ceux qui connaissent Tryö, vous vous rappellerez peut-être de leur célèbre chanson “Greenwashing” sortie en 2012, où le groupe dénonçait les encouragements poussifs des marques à la surconsommation, en cachant des productions peu éthiques et responsables sous des petits prix attractifs et des messages de respect de la biodiversité. Le greenwashing, c’est à peu près ça.
C’est sorti il y a déjà 10 ans, mais peu de choses ont changé depuis. Laure Teulières, maitresse de conférence en histoire contemporaine à l’Université Toulouse Jean Jaurès, en donne en 2022 la définition suivante :
“Effet de verdissement de façade : action de promouvoir un produit, une activité ou un service qui serait écologiquement vertueux, ou de vanter les efforts d’une institution dans sa démarche en faveur du développement durable, qui masque un manque de prise en compte fondamental et structurel des enjeux écologiques.”
Pour que cela soit plus concret, voici quelques exemples :
Une entreprise qui se dit responsable parce qu’elle propose un packaging en matériau recyclé, mais dont le domaine d’activité principal participe activement la production de gaz à effet de serre nocifs pour la biodiversité, c’est du greenwashing. On pense notamment à McDo, qui fait le promotion de ses emballages 100% en carton recyclé depuis quelques années, mais qui participe activement à la déforestation dans la production de sa nourriture.
Publicité McDonald's
Un entreprise qui se dit responsable car elle est engagée auprès d’associations de protection et de défense écologique et/ou sociale mais qui délocalise sa production à l’étranger pour profiter de tarifs salariaux avantageux, c’est du greenwashing. C’est le cas de H&M, marque de fast fashion qui propose des vêtements à tous petits prix en délocalisant sa production notamment au Bangladesh, mais qui promeut son engagement auprès de populations en situation précaire au travers de diverses associations.
Initiative Communauté sur le site internet H&M France
Bref, vous commencez à comprendre l’idée.
État des lieux de la “situation greenwashing” dans les métiers du marketing : pourquoi ce domaine est-il à ce point dénoncé et pointé du doigt ?
Le greenwashing, c’est finalement une sorte de marketing à part entière, un marketing à la limite du mensonge, ou qui du moins enjolive et grossit tellement la partie de l’activité “responsable” de l’entreprise, qu’on en oublierait presque que cette dernière participe à son échelle au désastre écologique en cours.
Alors est-ce faire une généralité que de dire que tout marketing qui prône un message de responsabilité écologique de l’entreprise est en fait du greenwashing ?
C’est une question légitime :
Comment un domaine d’activité dont le but premier est de faire consommer peut-il entrer dans une démarche RSE sincère et légitime ?
Si l’on essaie de faire un état des lieux de la question greenwashing dans la publicité, les chiffres ne sont pas très bons. Le Jury de Déontologie Publicitaire, ou JDP, instance de régulation professionnelle de la publicité fondée en 2008 sous l’autorité de L’ARPP (Autorité de Régulation Professionnel de la Publicité), met en avant l’entrée en scène d’un nouvel enjeu écologique en matière de plainte depuis 2020.
Les plaintes de greenwashing représentaient moins de 10 % des plaintes en 2019, pour 50% en 2020 et 55% en 2021.
À partir de 2020 et de l’essor de la conscience écologique citoyenne globale, deux types d’entreprises en particulier ont commencé à se démarquer pour leur recours extensif au greenwashing : les sociétés fournisseuses d’énergie et les sociétés automobiles. À elles seules, ces deux catégories amassaient 50% des plaintes de greenwashing en 2021.
Partout sur Internet et les réseaux sociaux, on voit fleurir des comptes visant à dénoncer ces fameuses campagnes, messages et autres affiches publicitaires qui sont en réalité du greenwashing, comme Perle de greenwashing, compte LinkedIn très actif, ou encore @Pourunréveilécologique sur Instagram.
Publication LinkedIn
Le greenwashing, une pratique dangereuse et destructrice.
Si on prend le cas de grandes entreprises pas du tout écolo de par leur modèle d’affaires, mais qui se disent tout de même “Carbon Neutral” ou “0 Émission”, alors oui, impossible de promouvoir un message de responsabilité environnementale sans entrer dans le greenwashing.
Mais quelle importance dans le fond ?
On pourrait se dire qu’étant donné le nombre exponentiel de plaintes de greenwashing dénoncées par les particuliers, les consommateurs et consommatrices sont assez éveillé.e.s pour s’en rendre compte, et que de toutes façons, ces messages et campagnes publicitaires ne font pas long feu face au JDP et à l’ARPP.
Oui et non. Bien que la conscience collective contemporaine soit effectivement de plus en plus portée sur les questions environnementales et la responsabilisation des comportements, le phénomène du greenwashing n’en reste pas moins destructeur et dangereux, pour les consommateur.trice.s comme pour la planète :
D’un point de vue purement juridique, c’est illégal. Faire croire aux consommateurs et consommatrices qu’iels consomment neutre en carbone, participent à une économie régénérative ou socialement responsable alors que ce n’est pas le cas dans les faits, ça s’appelle de la publicité mensongère et c’est puni par la loi.
D’un point de vue éthique, l’écoblanchiment est une manière pour les marques qui le pratique de s’approprier des valeurs de responsabilité et d’impact positif, valeurs initialement portées par la vision d’une économie durable et équitable et mises ici au profit du capitalisme. Se servir du combat réel de tout une génération de chercheur.euse.s, de scientifiques, d’étudiant.e.s, de professeur.e.s, de citoyen.ne.s, est profondément immoral.
Finalement, d’un point de vue de responsabilité sociale, les entreprises qui pratiquent le greenwashing participent à l’utopie collective de l’innocence écologique. En faisant croire au consommateur.trice.s que leurs produits sont durables et responsables, elles leur donnent bonne conscience et les confortent dans l’idée, fausse mais agréable, que leurs modes de consommations ne sont pas nocifs et ne participent pas au désastre écologique. Les consommateur.trice.s, alors dédouané.e.s de toutes responsabilité face à la crise, vivent ainsi la douce utopie d’être “innocents”. Cette absence de responsabilité sociale est fondamentale, puisqu’elle va l’encontre du besoin de responsabilisation et de prise d’actions individuelles : pour construire des modèles et des économies durables, équitables et régénératives, il faut que les actions des humains qui les composent le soit également.
Le greenwashing est un phénomène qui sert un fonctionnement sociétal vieux de plus d’une cinquantaine d’année, celui d’une société de consommation que l’on sait non viable à court terme, et qu’il faudrait sérieusement commencer à abandonner pour envisager un futur habitable.
Si le futur est à la responsabilisation de la consommation et des enjeux sociaux et environnementaux, et que le marketing ne peut s’emparer sincèrement de ces problématiques, est-il alors voué à disparaitre ? La réponse dans le prochain article !
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